Ils ont gagné à la fois quelques Oscars pour leur célèbre marche et leur danse, un prix Pulitzer pour un personnage clé d’une bande dessinée populaire américaine, et plusieurs Coupes Stanley en tant que mascotte de l’équipe de ligue nationale de hockey de Pittsburgh. Depuis des décennies, ils prêtent leur nom à une célèbre maison d’édition et ils représentent d’innombrables produits de consommation, de la crème glacée à la bière. « Spheniscidae » est le nom que les scientifiques donnent à ces charmantes créatures élégamment habillées d’un smoking. Chaque personne sur terre connaît et peut reconnaître un manchot. Pourtant, en dépit de leur indéniable beauté, une grande partie de ces oiseaux aimés de tous, est menacée. Ironie du sort, ce sont les hommes qui en sont le plus responsables.
Bien qu’ils ne puissent pas voler, les manchots sont des oiseaux remarquables qui sont considérés comme ayant des racines ancestrales de plus de 100 millions d’années, encore plus anciennes que les albatros ou les huards. Ils vivent en communauté et se reproduisent dans de grandes colonies qui peuvent inclure jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’oiseaux. Aujourd’hui, les 18 espèces de manchots qui restent sur Terre se trouvent exclusivement dans l’hémisphère sud. Mais contrairement aux idées reçues, les manchots ne vivent pas tous dans les eaux glacées de l’Antarctique. Par exemple, la plupart des manchots de Humboldt et de Magellan habitent en Argentine, au Chili et au Pérou, où le climat est plus tempéré.
Souvent représentés de la même manière, tous les manchots ne se ressemblent pourtant pas. Leur taille et leur apparence s’adaptent en fonction de l’endroit et du climat où ils vivent. Comme l’a brillamment illustré le documentaire La Marche de L’Empereur, le Manchot Empereur est le plus grand des manchots ; il se reproduit dans l’hiver sombre et inhospitalier de l’Antarctique. Cette espèce majestueuse pèse en moyenne 35 kilos et peut mesurer jusqu’à 122 cm. À l’autre extrémité du globe, le Manchot Pygmée de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, est la plus petite espèce de manchot. Son plumage bleu, lui vaut son surnom de Petit Manchot Bleu. Il pèse à peine 1 kilo pour seulement 40 cm.
Chaque manchot noir et blanc a ses propres particularités qui ajoutent une touche à son charme : une crête, des rayures ou des pieds d’un certaine couleur. Par exemple, le Manchot Royal, Le Gorfou Sauteur et Gorfou des Snares comptent parmi les espèces qui muent en période d’accouplement. A cette période, leurs longues têtes deviennent, en effet, jaune vif et leur servent à signaler qu’ils sont prêts à s’accoupler. Le magnifique collier noir que le Manchot à jugulaire porte du menton aux oreilles permet de l’identifier facilement. Les pieds du Manchot du Cap sont noirs, ceux du Manchot Papou sont jaunes, tandis que le Gorfou doré a les pieds roses vif !
Malgré leurs différences physiques et la distance qui les sépare, les manchots ont tous la particularité commune d’être de grands athlètes aquatiques. Ce sont des plongeurs hors-paire capables d’aller dans les profondeurs de l’eau. Leurs ailes font office de nageoires et leur permettent de se déplacer à 17 miles/heure. Ils échappent ainsi à leurs prédateurs, parmi lesquels on compte les orques et les léopards. Ils parcourent de longues distances à travers l’océan. Par exemple, un Manchot de Magellan en période de chaleur peut nager jusqu’à 106 miles en une journée. Ainsi, ce sont 10 000 miles par an que ce manchot parcourt – soit la distance moyenne annuelle d’une voiture aux Etats-Unis ou un demi-tour du monde de Spindrift 2 !
Tandis que son smoking au dos noir et au ventre blanc le rend unique, cette coloration appelée contre-illumination, ou loi de Thayer (countershading en anglais) lui permet de se camoufler pour d’une part échapper à ses prédateurs et d’autre part chasser ses proies. Vu d’en dessous, son ventre blanc légèrement teinté lui permet de se confondre avec les nuages. Vu d’en haut, son dos sombre est difficile à distinguer du fond de l’océan.
De même, la démarche enfantine et attachante du manchot, lui est aussi d’une grande utilité. Ces petits pas sur le côté lui font brûler moins de calories que s’il faisait des grandes enjambées de face. C’est particulièrement important pour des populations de manchots qui vivent dans un climat glacial et qui jeunent des mois durant, lors de l’accouplement. Aussi, comme dans le film d’animation Happy Feet, lorsque les manchots semblent s’amuser à dévaler des pentes comme s’ils glissaient sur des toboggans, cela leur permet en fait de se déplacer tout en réduisant leurs efforts pour garder leur énergie.
Cependant, malgré leur popularité et leur caractère emblématique, la majorité des espèces de manchots est en déclin selon L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN, en anglais IUCN). Bien que la plupart des manchots vivent dans des zones éloignées, l’activité humaine les touche et met en danger leur survie. La réduction de la population des manchots est due à plusieurs facteurs humains : le réchauffement climatique, la dégradation des aires de nidification, les déversements de pétrole*, la pollution marine, l’introduction de nouveaux prédateurs et la pêche industrielle qui est un véritable fléau pour les manchots. Quand la pêche de krills, de harengs, de calmars et d’anchois est faite sur le territoire des manchots, elle épuise les stocks de poissons qui leur servent de principale source alimentaire. Les manchots sont donc obligés de nager plus loin et plus longtemps afin de se nourrir et d’apporter de la nourriture à leurs petits.
Beaucoup d’efforts ont été faits sur la terre pour protéger les manchots. Cependant, le déclin de l’océan les prive de nourriture. Nous devons travailler pour sauver la reproduction des manchots et pour restaurer leurs terrains d’alimentation sur les eaux côtières. Cela passe par la création d’un réseau de zones marines protégées où vivent les manchots, autour de l’Antarctique et au large des côtes des pays de l’hémisphère sud. Compte tenu du succès emblématique et de la réussite sociale de l’oiseau au box-office et sur le marché, les gouvernements prendront certainement des mesures nécessaires pour protéger à la fois cet ambassadeur mondial et les océans dont il a besoin pour survivre.
* Cela vous étonnera peut-être si je vous dit que Christophe, notre équiper d’avant, lors de notre navigation dans l’Océan Indien, a dû passer du temps à nettoyer du pétrole qui s’était déposé à l’avant de notre coque centrale !